Les courses de longue distance ont commencé très tôt – dès que le moteur à combustion interne fut inventé vers la fin du 19ème siècle - avec des courses entre grandes villes comme Paris-Rouen en 1894, Paris-Bordeaux et d’autres. Automobiles et motocyclettes couraient en même temps. A cette époque, l’asphalte était pratiquement inconnu, et la différence entre les manifestations n’était pas d’être soit sur route soit en tout terrain, mais bien s’il s’agissait de vitesse ou de régularité. Très vite, il fut évident que des courses sur routes ouvertes étaient trop dangereuses – avec l’exemple désastreux du Paris-Madrid de 1903 - et le sport se dirigea vers des routes fermées à la circulation (bien avant les vrais circuits de course). Les courses de longues distances devinrent des rallyes, et autos et motos furent séparés.
Quoique le mot français « Endurance » fût utilisé d’abord pour les Six Jours de Régularité – organisés dès 1903 – la différence apparut rapidement car cette nouvelle compétition était destinée le pilote le plus rapide sur une (très) longue distance ou durée de temps, pratiquement sans aucun arrêt (sauf pour ravitailler ou réparer) ou changer de pilote. On peut également considérer les tentatives de record du monde de longue distance comme des courses d’Endurance, car les tentatives de 6, 12 et 24 heures ne sont pas vraiment différentes de manifestations d’Endurance.
La course d’Endurance la plus connue est le Bol d’Or, dont la première édition remonte à 1922, sur le circuit de Vaujours, près de Paris. Ce circuit routier en terre battue était utilisé depuis 1888 pour des courses de 24 heures pour…vélos ! L’idée vint d’Eugène Mauve, passionné de moteurs et fabricant de composants aéronautiques. Seuls 17 pilotes prirent part à ce qui allait bientôt devenir la plus célèbre manifestation de 24 heures. Chaque machine n’avait qu’un seul pilote, pas d’arrêt sauf pour le ravitaillement – le pilote mangeait et buvait en roulant. Le vainqueur fut un certain Tony Zind, au guidon d’une Motosacoche 500cc, qui couvrit 1.245, 628 km à une vitesse moyenne de 51,9 km/h.
Après la Seconde Guerre Mondiale plusieurs épreuves ont commencé à apparaître : les 24 Heures de Warsage (Belgique) en 1951, les 24 Heures de Montjuich, à Barcelone, en 1957, 24 heures de Monza (Italie) en 1959, entre autres. Au début la plupart des courses avaient une durée de 24 heures, mais assez vite des courses plus courtes furent introduites, définies soit en distance (500 Miles, 1000 Miles, et bien plus tard même 200 Miles) soit en temps (12 Heures, 8 Heures ou 6 Heures).
En 1960, la première Coupe FIM d’Endurance a lieu avec quatre courses : Thruxton, Montjuich, Warsage et le Bol d’Or, visant à encourager le développement de la discipline. La décision fut prise au Congrès de Barcelone en 1959 par la Commission Sportive Internationale de la FIM. Au Congrès de 1960 on s’aperçut que les classements de la Coupe FIM d’Endurance pour cette première année posaient des problèmes. Car les coureurs étaient généralement qualifiés pour une course seulement, et les courses étaient de longueur différente. Le Comte Lurani, Président de la CSI, était opposé à l’idée de de donner plus de points aux courses plus longues, donc un seul système de points fut établi, qui allait durer longtemps. Les règles suivantes furent adoptées : pour être classé, un pilote devait prendre part au moins à deux épreuves. Dans le cas d’ex-aequo, le pilote ayant remporté la course la plus longue (en temps ou en distance) serait considéré le meilleur. Malgré cela, il n’y a pas de classement officiel pour cette première saison d’Endurance ni pour celles qui suivent, pour la même raison.
Le Bol d’Or n’est plus organisé de 1961 à 1968. Une autre course, les 1000 km de Paris, fut organisé sur le circuit de Monthléry pendant deux ans. Des courses ont lieu en Grande-Bretagne, Italie et Espagne – les trois pays d’où la plupart de pilotes étaient originaires. Alors que le sport motocycliste et continuait son développement et son succès sans cesse croissant (les années 60 sont considérées comme la décennie dorée des Grands Prix), le marché moto était en totale dépression. Il y avait moins d’intérêt du public et peu de perspective pour augmenter le nombre d’acheteurs potentiels, e en même temps les constructeurs de moto affrontaient une forte concurrence de l’industrie automobile qui produisait des voitures plus petites et moins chères pour une large partie du marché. Cette tendance allait changer à la fin des années 60 avec l’arrivée des constructeurs japonais, qui allaient engloutir en grande partie la production européenne – et principalement l’industrie motocycliste britannique.
Mais dans els années 50 et 60, la différence entre les machines d’usine utilisées en Grand Prix et les motos utilisées en Endurance était gigantesque. Beaucoup de courses de longue distances avaient des motos de petite cylindrée, 125cc et 250cc. Par exemple, les 24 Heures de Montjuich de 1958 furent remportées par les Italiens Mandolini et Maranghi au guidon d’une Ducati 125cc à la vitesse moyenne de 92,699 km/h. Les BMW étaient à peine plus rapides, et en 1960 la course de Barcelone fut gagnée par une Ducati 175cc.
Cependant, l’Endurance allait vraiment prendre son envol au début des années 70 avec l’arrivée des grandes cylindrées japonaises – Honda d’abord, immédiatement suivie par Kawasaki. Cette période vit également les derniers sursauts de machines construites en Angleterre, telles que BSA, Triumph et Norton. Leur époque était terminée…
Vrai développement
Les temps modernes commencent avec le retour du Bol d’Or sur le circuit de Linas-Monthléry en septembre 1969 et la victoire des français Michel Rougerie et Daniel Urdich sur la toute nouvelle Honda CB 750. C’est un moment vital, un signal de départ d’une nouvelle ère qui fera de l’Endurance une discipline pour motards passionnés – et une époque de développement rapide en France. Ensuite viennent les années du français Georges Godeir et du suisse Alain Genoud, qui coururent tout d’abord sur une Honda équipé d’un cadre Egli fait en Suisse, ensuite sur une Kawasaki préparée pour la compétition avec un cadre qu’ils construisirent eux-mêmes. Après leur titre de 1975, ils devinrent constructeurs de machines de courses avec moteurs Kawasaki, construisant leur propre partie-cycle. - suivi immédiatement par Kawasaki, donnent une impulsion aux courses d’Endurance au début des années 70.
En 1976, la Coupe FIM d’Endurance devient un Championnat d’Europe qui voit la revanche de Honda : le premier constructeur avait décidé à la fin de 1975 de revenir à la compétition ave la RCB 1000 (dérivée de la CB 7590). Honda avait arrêté toutes ses activités dans le sport moto en février 1967 et, à l’exception de leur participation aux 200 Miles de Daytona en 1970 – qu’ils gagnèrent – ils ne revinrent pas avant le début de 1976 lors d’une course hors Championnat à Zandvoort (600 km). Au début le moteur avait une cylindrée de 941 cm3 (68 x 64,8 mm), qui fut ensuite réalésé à 70 mm, arrivant à 998 cm3. Ils remportèrent quatre titres consécutifs de 1976 à 1979 avec Jean-Claude Chemarin et Christian Léon, et ensuite le premier Championnat du Monde en 1980 avec Marc Fontan et Hervé Moineau. En 1978, le Bol d’Or émigre du circuit du Manas au circuit Paul Ricard près de Marseille, dans le sud de la France. Cette même année, deux autres courses classiques sont créées : les 24 Heures du Mans et les Huit Heures de Suzuka.
Puis, dès 1980 et l’accession au status de Championnat du Monde, la discipline continue à être dominée par les coureurs français pilotant des Kawasaki d’usine – d’abord avec Raymond Roche et Jean Lafond en 1981, ensuite avec Jean-Claude Chemarin qui conquiert un cinquième titre en 1982 associé au suisse Jacques Cornu. Ensuite vient le Suzuki Endurance Racing Team dirigé par Dominique Méliand – encore aux commandes aujourd’hui ! – et le premier titre pour Suzuki grâce à Hervé Moineau et son compère le belge Richard Hubin. En 1984 la cylindrée est réduite de 1000cm3 à 750cm3, et Honda, avec sa machine V4, remporte trois titres consécutifs grâce à Patrick Igoa et Gérard Coudray. Puis Hervé Moineau revient et gagne les deux titres suivants sur Suzuki, ce qui lui fait quatre titres mondiaux.
Le calendrier comporte plusieurs épreuves, jusqu’à dix, mais ensuite la discipline commence à décliner jusqu’à ce qu’il ne reste que les quatre épreuves dites « classiques » au calendrier : les 24 Heures du Mans, les 24 Heures de Liège (sur le circuit de Spa-Francorchamps), les 8 Heures de Suzuka et le Bol d’Or, disputé sur le circuit Paul Ricard de 1978 jusqu’en 1999, et depuis lors à Magny-Cours.
Dans certains pays, les courses de longue durée obtiennent régulièrement un grand succès, essentiellement en France où l’Endurance est probablement le sport moto (et auto…) ayant le plus de succès, avec deux courses de 24 heures chaque année. Mais ce n’est pas le cas partout, et l’histoire a montré les difficultés à maintenir un Championnat avec des manifestations à un niveau comparable. A la fin des années 80 seules trois manifestations étaient inscrites au calendrier, ce qui, selon le Code Sportif, n’était pas suffisant pour un Championnat du Monde. La série fut donc ramenée à une Coupe FIM d’Endurance pour deux saisons. Puis le Code Sportif fut modifié et elle récupéra le statut de Championnat du Monde. La FIM essaya ensuite d’investir dans des épreuves outre-mer, par exemple en Malaisie et en Australie, mais des problèmes financiers ne laissèrent pas l’expérience continuer Le Championnat fu donc organisé sur quatre épreuves, les 24 Heures du Mans, les 24 Heures de Liège (Spa), les 8 Heures de Suzuka et le Bol d’Or. Puis, afin d’essayer de faire revivre la discipline, une expérience fut tentée avec un promoteur qui passa à inclure des manifestations plus courtes telles que 200 Miles, mais trois manifestations majeures quittèrent le Championnat. A la fin du contrat en 2006, la FIM reprit le contrôle du Championnat et les manifestations classiques intégrèrent à nouveau le Championnat, qui grandit régulièrement d’année en année.
Rappelons que l’échelle de points pour le Championnat du Monde est différente selon la distance totale. Les machines sont des 1000cc quatre cylindres (et quelques bicylindres aussi), la majorité de constructeurs japonais, mais également quelques-uns d’Italie et d’Allemagne.
(légendes des photos)
- Départ du Bol d’Or 1978, le premier organisé sur le circuit Paul Ricard
- Le pilote français Christian Léon sur la Honda RCB 1000. Quatre titres au Championnat d’Europe d’Endurance avec Jean-Claude Chemarin, de 1976 à 1979.
- Le pilote suisse Jacques Cornu, avec Jean-Claude Chemarin en 1982 : deuxième titre mondial pour Kawasaki.
- Départ du Bol d’Or en 1990 :encore une victoire pour la Honda VFR 750.
- Christian Sarron sur la Yamaha 750 OW 31 au Bol d’Or 1978 : 17 heures en tête, puis le moteur a cassé.